Origine et découverte du Mardi Gras
Histoire :
Les premières mentions du carnaval remontent à un arrêté municipal de 1835. Ce dernier stipule que « Tout individu qui, pendant le carnaval, se montrera dans les rues, places et promenades publiques, masqué, déguisé ou travesti, ne pourra porter ni bâton, ni épée, ni autre arme. Nul de pourra prendre de déguisement qui serait de nature à troubler l’ordre public ». Ainsi, si l’existence du carnaval est attestée en 1835, il apparait que ce dernier existe depuis bien plus longtemps.
En 1897, un comité d’initiative de la municipalité et de quelques notables est mis en place. Ils organisent des défilés de chars, les bals et canalisent la fête jusque-là populaire et sans encadrement précis. Cette fête était particulièrement célébrée par des hommes, surtout des marins, malgré les appels du clergé à rejeter « les désordres et les péchés » de ce carnaval.
Jean-Michel LE BOULANGER explique qu’à l’origine, « les GRAS marquaient la rupture entre les pêches de l’hiver, aléatoires, et les métiers rémunérateurs, comme la pêche au maquereau, où partaient les marins, dès la fin des festivités ». Ainsi, en plus d’être intégrés au calendrier catholique, les GRAS sont intégrés au calendrier de pêche.
À partir des années 1890, les jours gras sont de moins en moins fêtés dans la plupart des villes de la Bretagne occidentale, mais la tradition persiste à Douarnenez où les marins-pêcheurs sont nombreux et occupent une place importante à la mairie.
Les années 1950 marquent une période difficile à Douarnenez, le port de pêche est en crise et le carnaval perd en vivacité. En 1959, est alors créé un nouveau comité qui instaure un défilé costumé.
Pendant les années 1970, le public de moins en moins masculin et de moins en moins lié au monde de la pêche, fait vivre et prospérer les jours gras en sauvegardant ce qui est vécu comme une tradition originale. En 1984, le DEN PAOLIG a été volé durant les festivités dans un contexte de grève des chantiers navals. En 2021, en raison de la situation liée au covid 19, le carnaval est annulé.
Déroulement : INTRONISATION DU DEN PAOLIG
Les festivités commencent le samedi avec l’intronisation du DEN PAOLIG « pauvre homme » en breton, le roi du carnaval et le symbole emblématique de la fête. Il représente une personnalité locale souvent bien connue des Douarnenistes. Cette effigie est fabriquée en papier maché et fait environ 3 mètres de hauteur. Quelques indices sur son identité sont semés dans la ville avant le début des fêtes. Le DEN PAOLIG est suspendu au fronton des halles pour veiller sur la fête.
Noce des GRAS et défilé :
La journée du dimanche est la plus animée avec la traditionnelle noce des Gras. L’après midi a lieu le défilé qui réunit tous les âges autour des costumes colorés, des chars à thèmes et de la musique.
Course des garçons de café et bals :
Le lundi se déroule la traditionnelle course des garçons de café, rue du Père Maunoir. Plusieurs équipes doivent surmonter des épreuves variées au sein des nombreux bars de la ville. Le mardi soir, la salle des fêtes accueille le bal costumé de « La folle nuit des Gras ». Le lendemain a lieu le « Bal des enfants ».
Crémation du DEN PAOLIG
Suivant la tradition, le DEN PAOLIG est brûlé dans un feu de joie sur le quai du port du Rosmeur, un feu d’artifice s’ensuit.
Plusieurs Chansons des Gras
Plusieurs chansons ont mis à l’honneur cette période festive
– À Douarnenez le carnaval est chouette !
– Fin du carnaval
Les Bretons du début du XXème siècle savaient aussi s’amuser particulièrement à l’occasion des carnavals qui marquaient la fin de la saison froide. Ils étaient l’occasion de réjouissances parfois peu conventionnelles… Il est difficile aujourd’hui d’imaginer la rigueur des carêmes d’autrefois, lorsqu’une bonne partie de la population mangeait maigre, voire jeûnait pendant quarante jours avant Pâques. Mais les jours précédant, dont le mercredi des cendres, étaient gras et le prétexte à faire bombance ou quelques excès.
Tuerie du cochon et décapitation des coqs
C’était en général la période où on tuait le cochon dans les fermes, dont une partie était donc mangée les lundi et mardi gras, le voisinage étant appelé en renfort dans une ambiance fort conviviale. Dans le pays bigouden, on prépare encore de nos jours un plat spécial réalisé avec la tête de porc, le choten. Il est particulièrement délicieux étalé sur le kouign dous, le pain doux, cuit spécialement à cette occasion. Dans les petites villes de campagne, le mardi gras était l’occasion de pratiquer des jeux spécifiques, comme la décapitation du coq ou de l’oie. À cheval ou en charrette, les jeunes hommes n’avaient droit qu’à un seul coup pour couper la tête du volatile préalablement tué. La tradition a perduré jusqu’à la fin du XXème siècle. À Guerlesquin est aussi organisé un curieux championnat du monde du Bouloù Pok, un hybride moitié boule, moitié palet, au cours duquel sudistes et nordistes s’affrontent.
Défilés, travestis et bonhommes carnavals
Dans les villes, particulièrement dans les ports, les jours gras sont une période de licence et de désordre, un court laps de temps où les rôles s’inversent, où les conventions tombent, où les esprits se libèrent pour marquer la fin de l’hiver. Malgré leurs réticences, les autorités civiles et religieuses laissent faire, même si elles réprouvent les débordements ou les moqueries dont elles vont être victimes. L’une des premières mentions de carnaval remonte à 1732 et évoque un droit de « Bazoges ou coquinerie » à Pont-l’Abbé.
Dans les années 1920, on interdit à Brest, le défilé des strouilles (du breton strouill « boue ») au cours duquel les passants sont aspergés de gadoue ou de contenu des pots de chambre. À partir du XIXème siècle, on crée des cavalcades pour tenter d’organiser les carnavals, comme à Nantes ou à Scaër. Une partie de l’énergie des participants est canalisée dans la création et à l’animation des chars. Mais le naturel comme les vieux rites reviennent vite au galop, notamment la fréquentation assidue des cafés de la ville. Peu à peu, ces carnavals urbains débordent du mardi gras pour s’étaler sur plusieurs jours pendant lesquels on se déguise, on mange et on boit beaucoup.
Jacqueline Monnier